MOOD

Comment le monde extérieur façonne notre intérieur, ou alors est-ce l’inverse ? Deux fois par mois, je prends en filature une émotion.

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Par Maïlys LEYNAUD
14 févr. · 6 mn à lire
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#Février

Prescription : les recos pour ralentir

Hello tout le monde,  

Merci pour vos retours nombreux et enthousiastes suite au premier MOOD (qu’il n’est d’ailleurs pas trop tard
pour lire pour une meilleure compréhension de ce qui va suivre- attention, simplement l’ouvrir dans un onglet, ça compte pour du beurre).

C’était long. C’était bon.
C’était la première newsletter, dont voici ce qu’on pourrait qualifier de seconde partie.

Des recommandations en toute subjectivité à vivre, lire, regarder, écouter - pour s’autoriser à ralentir de façon plus concrète (CQFD). Parce que c’est joli d’en discuter, mais c’est encore mieux de le faire !

Et pendant que vous faites tout ça, je ne ferai rien (à part préparer le prochain MOOD), puisque c’est le mot d’ordre. J’ai même trouvé un collectif de potes pour m’y aider : le “Lazy Women” Club. Elles lancent une Lazy Revolution* pour anéantir par la sororité les injonctions autour de la féminité et de la culture de la productivité toxique. On dirait bien que le règne de la girlboss est terminée 🤭 Et en cette Saint Valentin, qui célèbre l’amour amoureux, et si possible sous forme de couple exclusif hétérosexuel, je préfère faire une dédicace à toutes mes amies, des meufs sûres, toutes les femmes qui sont dans ma vie et/ou celles qui m’inspirent - peut-être pas des girlbosses mais des girls qui sont les boss de leur vie 💖

Certain.e.s m’ont dit ne pas avoir reçu le mail de la première newsletter après inscription, alors qu’il était dans les spams ou l’onglet notifications - sortez moi de là !  


*Révolution paresseuse


THÉRAPIE PAR LE VIDE

J’ai écrit le texte de la newsletter #1 au rythme de Limportanceduvide de Jacques. En plus, comme un fait exprès, Jacques a ressorti dimanche dernier 4 des titres de l’album en version 2.0. Il se peut qu’il vous souffle en boucle(s) dans l’oreille, comme à moi, que vous avez “trop d’onglets ouverts” dans la tête ; et dans mon cas, c’était pas faux. Des paroles simples, qui créent pourtant des ricochets philosophiques à l’intérieur de nous pour délivrer un message clair : l’importance du temps d’arrêt, du rien. Les titres sont d’ailleurs nés pendant une longue pause passée au Maroc. Dans une société du plein qui remplit chaque interstice, on frotte fort sur la lampe du génie de Jacques qui vient nous sonner sa comptine : “On valorise la croissance, la richesse, la créativité, le phallus, etc. Alors que l’absence, le manque et le rien sont toujours perçus négativement. Il faut au contraire se souvenir de l’importance du vide.”. À peine monomaniaque, j’ai concrétisé cette obsession musicale en live à la Gaîté Lyrique en janvier. Jacques y inaugurait Vidéochose, nouvelle expérimentation musicale et visuelle ; on est littéralement immergés dans la culture internet, entourés de courts extraits vidéos. Toujours le même constat : le son de Jacques a cette capacité à créer l’instant, le suspendre, pour y rester longtemps - très longtemps ; on se laisse porter pour étirer les minutes.

> Vidéochose, encore quelques dates, dans quelques villes, et bientôt à la conquête du monde. En attendant, pour explorer le vide, et capter que le verre est bien rempli de rien, pensez à mettre vos écouteurs.

UNE GÉNÉREUSE PART D’INSIGNIFIANT

Eux aussi considèrent le public comme partie prenante du spectacle : La Compagnie du Libre Acteur. Le libre acteur, c’est une vision sensitive du jeu, qui se couple dans Ce qu’il faudra laisser aux anges à une sensible vision de nos travers humains. Là où la pop métaphysique de Jacques aborde le détail du quotidien, Sébastien Bonnabel, metteur en scène, et Laura Léonie, autrice, en évoquent le subtile des sentiments. Si je parlais précédemment du “plancher émotionnel” présent dans nos conversations, il est clair que la troupe présente sur les planches en soulève brillamment la latte. En voyeuse, j’ai assisté à une succession de fragments de vies sous forme de différents tableaux qui se succèdent. J’ai été touchée par le jeu, l’ingéniosité sobre de la mise en scène, et l’intention derrière l’écriture, tour à tour drôle, désarmante et attendrissante. Chuchotée pendant le spectacle, la simplicité de la citation suivante fera forcément écho aux réflexions temporelles dans la news précédente : “Vous ne savez pas la valeur de ces moments. La beauté fragile de tous ces minuscules tressaillements qui émaillent vos vies et les façonnent. Pendant une seconde quelque chose se suspend. (...) Dans le chaos lumineux de vos vies, ne négligez jamais l’insignifiant. L’air froid dans vos poumons, le premier baiser, le sucre sur les brioches, cette chanson apprise par coeur, le bruit de l’orage, le goût d’un vieux rhum, votre mère appelant votre nom (...). Ces fragments ne sont pas des détails, ils sont l’essence même de vos vies.”

> Pour replacer l’émotion au cœur de la création : ça se passe tous les dimanches au Théâtre Lepic, niché en haut de la butte Montmartre, à Paris.

RALENTIR EN QUATRE TEMPS

Still from Moonrise KingdomStill from Moonrise Kingdom


> OBSERVER / Savoir regarder, ou plutôt remarquer, ça s’apprend. Une amie m’a recommandé Exercices d’observation, un manuel de Nicolas Nova qui nous prend par les yeux pour développer notre sensibilité au monde. La promesse ? En pleine crise généralisée de l’attention, nourrir notre capacité cognitive à l’observation, en s’inspirant de pratiques et protocoles très concrets d’écrivains, d’ethnographes, de designers ou d’artistes. Une fois surréaliste, l’autre dadaïste, détaillant le “nature writing”, dans l’hyperfocalisation ou l’attention flottante, les consignes permettent de devenir explorateur de “l’infra-ordinaire”. Bref, un cahier de vacances à utiliser tous les jours.

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Yazmin MonetYazmin Monet


> RESPIRER / Si en observant, nous devenons poreux au monde environnant, nous le sommes déjà biologiquement par la respiration. Dans Respire, Marielle Macé souhaite “détoxifier les sols, les ciels, les relations, le quotidien, souffler”. Respirer, un acte quotidien mais finalement poétique, politique, et social qui cristallise tout notre rapport au monde. Un style et un propos qui débouchent les bronches (en plus, je sais que vous êtes tous enrhumés). Comme le monde est bien fait, j’ai assisté à une lecture de On a peur mais ça va d’Andrea Thominot il y a quelques jours, qui par une synchronicité à couper le souffle aborde lui aussi le thème de la respiration - ou plutôt le manque de. Une poésie narrative onirique qui se lit comme une histoire. Allez, on inspire sur 3 et on se chill.

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copyright - Azza Jabnouncopyright - Azza Jabnoun


> RESSENTIR / Justement la poésie. Parlons-en (et ce ne sera pas la dernière fois). Elle est aujourd’hui largement sortie des bancs scolaires. Elle est même tout ce qu’il y a de plus vivant (de là à dire qu’elle est le futur, il n’y a qu’un pas que vous pouvez franchir ici : “la poésie du futur dira : dernier arrêt, tout le monde descend ! une fois que nous serons descendus, la poésie du futur nous lancera dans une chasse au trésor où la première chose que nous devrons trouver sera notre propre idée de l'utopie”). Pour le constater, rien de mieux que d’assister à l’une des scènes ouvertes actuelles. À Paris, j’apprécie celles orchestrées par Mange tes mots, un espace bienveillant pour libérer collectivement ce que la société cadenasse. Au programme, une soirée en ver.re.s, et un piqûre de réel en intraveineuse. Je n’essaie de convaincre personne, mais j’y ai amené un ami une fois, et depuis il m’en parle environ … tous les jours.

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Bouchra Laraki par Jeremy DoucetBouchra Laraki par Jeremy Doucet


> VIBRER / Dans la newsletter précédente, je mentionne le fait de plus & mieux habiter son corps. Ça tombe bien, j'ai récemment découvert les cours de danse afro-orientale de Bouchra. Laissez-moi vous dire, qu’essayer de décrire Bouchra ici, en quelques lignes, c’est déjà la trahir. Tant d’énergie et de good vibes dans une seule et même personne, c’est du jamais vu ! Son unique mission : nous faire vivre, lâcher prise, créer un espace de liberté en nous, autour de nous, entre nous - sans jugement. Tout circule : l’énergie entre les participantes, les sensations corporelles qui s’éveillent et les souffles qui se mêlent au son et aux sourires. J’aurais pu appeler ce paragraphe “de l’importance du mouvement”, un mouvement sans objectif de performance, qui se fait sans entraînement pour faire travailler l’intelligence de son corps, facile à oublier au bout d’une journée devant un écran.

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CHANGER D’ÉCHELLE & DE PERSPECTIVE

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